C’est comme ça chaque mois de février. Les gens ont reçu leur compte de carte de crédit pour le mois de décembre. La date limite pour le paiement approche, mais ils n’ont pas les liquidités pour le faire. Souvent en panique, beaucoup vont chercher conseil auprès d’associations de consommateurs.
« Quand les cartes de crédit rentrent, après le temps des Fêtes, ici, c’est bondé de gens », souligne Hélène Hétu, consultante budgétaire à l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) Rive-Sud de Montréal, organisme qui offre des services en matière de budget, d’endettement et de consommation. « C’est une très grosse période pour toutes les associations de consommateurs. »
Le temps des Fêtes coûte cher. Avec la rentrée, c’est l’une des deux périodes de l’année ayant le plus d’impact sur le budget des ménages, note Sylvie De Bellefeuille, avocate et conseillère budgétaire et juridique chez Option consommateurs.
Il y a les cadeaux qu’on offre à ses proches. Les cadeaux d’hôtes, les bouteilles de vin qu’on apporte en visite et l’alcool en général. Il y a aussi la facture d’épicerie, qui grimpe de façon exponentielle lorsqu’on reçoit. C’est sans compter les habits chics, les sorties (ski, cinéma…) pour divertir les enfants en congé, les virées au restaurant, les soldes de l’après-Noël dont-on-ne-peut-se-passer…
Selon un sondage mené pour le Conseil québécois du commerce de détail, les ménages prévoient dépenser 658 $ pour leurs achats des Fêtes cette année : 388 $ pour les cadeaux et 270 $ pour les autres dépenses (repas, alcool, etc.).
« Le gros problème, souvent, avec la période des Fêtes, c’est qu’on ne la prévoit pas dans le budget. »
— Sylvie De Bellefeuille, conseillère budgétaire
« Ça devient un peu comme une dépense surprise. Alors que dans la réalité, on ne va pas se leurrer : ce n’est pas une dépense surprise. Noël, ça revient chaque année. Et c’est toujours la même date », poursuit Mme De Bellefeuille.
Il est difficile d’échapper totalement à la folie du temps des Fêtes, souligne Fabien Durif, professeur au département de marketing de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal (ESG UQAM) et directeur de l’Observatoire de la consommation responsable.
L’équipe de Fabien Durif a réalisé plusieurs études pour vérifier si le consommateur variait ses pratiques quotidiennes dans les périodes de surconsommation, comme le temps des Fêtes. Sans surprise, souligne M. Durif, oui, les gens varient leurs pratiques. Même les consommateurs les plus responsables au quotidien (dans leurs pratiques de non-achat, d’achat et de post-achat) demeurent influencés, quoique dans une moindre mesure.
Pourquoi est-ce si difficile de résister ? « C’est vraiment les stimulus, répond Fabien Durif, qui évoque le son dans les magasins, les couleurs, l’affichage… Ces stimulus amènent une émotion, une excitation au niveau de la consommation de l’individu, un état différent de l’état classique. Cela fait en sorte qu’on sort de son quotidien. »
Et il est normal, dit-il, d’avoir du mal à demeurer toujours cohérent. « Il ne faut surtout pas culpabiliser le citoyen, car on lui demande énormément… »
Solution : budget
N’empêche, il y a des moyens pour s’aider à dépenser mieux et à dépenser moins. Faire ses achats de Noël à l’avance permet justement d’être moins exposés aux stimulus de surconsommation, souligne Fabien Durif, qui précise que les consommateurs s’y prennent d’ailleurs de plus en plus tôt.
Mais pour réduire ses dépenses dans le temps des Fêtes, LA meilleure solution demeure de faire un budget, confirment Hélène Hétu et Sylvie De Bellefeuille. On peut le faire en septembre, après la rentrée scolaire, ou – mieux encore – dès le mois de janvier.
« Noël, combien ça vous a coûté l’année passée ? Ou combien pensez-vous que ça vous coûtera cette année ? Faites une liste. »
— Hélène Hétu, consultante budgétaire
Pour les cadeaux, au lieu d’inscrire une somme globale, on écrit une somme pour chaque cadeau. On calcule le montant total que Noël devrait nous coûter, et chaque mois, on met de l’argent de côté (dans un compte d’épargne ou dans une enveloppe) pour atteindre cette cible.
Si le temps des Fêtes vous coûte trop cher année après année, si ça vous stresse, si votre façon de faire s’éloigne de vos valeurs, peut-être devriez-vous prendre le temps de réfléchir à tout cela, estime Hélène Hétu. L’ACEF Rive-Sud offre d’ailleurs un atelier intitulé « Noël autrement, pourquoi pas ? » dans différents organismes pour susciter cette réflexion. « L’opération réflexion est importante, estime Mme Hétu. Il faut s’affirmer et avoir confiance en soi. »
« On est dans une société de consommation, on veut toujours avoir les nouveaux gadgets. Je pense que c’est une période où il pourrait être opportun de se poser des questions. Est-ce qu’on a besoin toujours de s’acheter des cadeaux tout le temps pour tout le monde ? De grâce, ne vous endettez pas pour faire plaisir à vos proches », dit Sylvie De Bellefeuille, qui rappelle que Noël est avant tout une période pour partager de bons moments avec ses proches.
Au chapitre de la consommation responsable, Fabien Durif constate une évolution des mentalités au cours des dernières années. « De plus en plus, il y a une réflexion, dit-il. Finalement, pourquoi tous ces cadeaux ? On n’est plus dans le “tout acheter n’importe quoi”. »